« Je m'appelle Marceline, Odette, Germaine Masson, née le 4 septembre 1935. J'avais vingt ans lorsque j'ai franchi la porte de ma maison pour la première fois, Anatole à mon bras. Ça sentait la peinture fraîche et les projets. Soixante-cinq ans plus tard, les haies ont poussé et les souvenirs sont accrochés au mur. Jamais je n'ai envisagé de vivre ailleurs. Jusqu'à ce lundi matin, quand le visage rubicond de Gustave, le voisin d'en face, apparaît derrière ma porte. Le maire veut raser l'impasse des colibris. Nos maisons. Nos souvenirs. Nos vies. Lorsque nous avons emménagé impasse des Colibris, nous avions vingt ans, ça sentait la peinture fraîche et les projets, nous nous prêtions main-forte entre voisins en traversant les jardins non clôturés. Soixante-trois ans plus tard, les haies ont poussé, nos souvenirs sont accrochés aux murs et nous ne nous adressons la parole qu'en cas de nécessité absolue. Nous ne sommes plus que six : Anatole, Joséphine, Marius, Rosalie, Gustave et moi, Marceline. Quand le maire annonce qu'il va raser l'impasse - nos maisons, nos mémoires, nos vies -, nous oublions le passé pour nous allier et nous battre. Tous les coups sont permis : nous n'avons plus rien à perdre, et c'est plus excitant qu'une sieste devant Motus. » Virginie Grimaldi Quand nos souvenirs viendront danser